Ca ne pouvait pas durer … et puis il faut bien que la météo ait raison de temps en temps !
Aujourd’hui, « it’s rainy day » ! C’est pas la grande tempête … mais bon c’est quand même l’hiver alors forcément, niveau température, on ressent tout de suite la différence.
Bien joué malgré tout, je n’avais rien prévu … au programme, ça sera donc le « Township tour », qui se ressentira moins du mauvais temps, et auquel je m’inscris de suite.
J’en profite pour réserver par la même occasion le « Cape Point » Tour pour le lendemain … en espérant que le beau temps sera de retour.
Départ à 14h, j’ai donc un peu de temps pour bouquiner, écrire, ..etc etc etc
Au fait, c’est quoi un « Township » ?
Je pourrais vous en faire un roman, vous exposer la problématique, et vous faire même partager mon opinion (quel honneur cela aurait été pour vous, non ? ;o) ) … mais on va faire court, j’ai pas que cela à faire non plus !
Bon alors quoi que c’est ?
Pour simplifier, on va dire que c’est l’équivalent physique d’un bidonville .. version sud-africaine … quoique en y réfléchissant bien, si ça se trouve, c’est comme ça qu’on traduit bidonville en anglais (à vérifier) …
bref, tout ça pour dire, que c’est un ensemble d’habitations, allant de 5 planches en bois servant de maison, jusqu’à des espèces de mini résidences HLM (ça c’est la version modernisée rénovée que chacun attend !), en passant par un mic-mac de toles ondulées .. etc etc .. bref un espèce de bidonville quoi … où chacun y va de sa manière à lui pour survivre ! Et cela concerne pas moins de … 2 millions de personnes dans les alentours du Cap (3 millions d’habitants).
Il ne faut pas se voiler la face, chaque grande ville « possède » ce genre de zone … mais quand ça concerne une telle proportion … c’est pas la même et ça n’implique pas les mêmes conséquences tant sur la vie de leurs propres habitants, que sur la vie des habitants des autres quartiers !
Ah et puis j’oubliais un petit détail : contrairement aux autres bidonvilles de la planète qui n’ont pour origine « que » l’accumulation des « masses » (decidemment, dés que le sujet est délicat, le petit occidental que je suis se sent obligé de mettre des guillemets partout !) pauvres aux alentours .. ou plutôt à l’extérieur des centres villes, et même des banlieues proches, l’origine des townships sud-africains est tout autre.
Je dis « des » car non seulement toutes les grandes villes sont concernées, mais aussi les moyennes, voire carrément les villes pas plus grandes que Montluçon ou Guéret !
En effet, les facteurs économiques et sociaux n’ont été que des paramètres aggravants d’un phénomène ayant une origine bien particulière … alors vous avez une idée ? Allez c’est pas bien compliqué pourtant .. et je dis pas ça parce que je lis la totale sur le sujet depuis plusieurs semaines (bon OK, un peu quand même !) !
A-P-A-R-T-H-E-I-D !
Pendant presque 100 ans – ça va bientôt être l’anniversaire des premières lois raciales – les blancs ont peu à peu instaurer les pires lois qui soient afin de séparer les races habitants l’Afrique du Sud, système qui ne prendra le nom d’apartheid qu’au milieu du siècle dernier ! Je dis « races », car si les Noirs sont historiquement les victimes connues de ce système, de nombreux autres furent concernées : malais, indiens, … et ceux qu’on appellera les « coloured » à savoir les métis issus des nombreuses « interactions » entre les diférentes races, blancs y compris.
Cela commença par le travail pour lequel les responsabilités étaient réservées aux blancs, éloignant définitivement les autres races du pouvoir, historiquement déjà mises à l’écart, l’Afrique du Sud ayant fait l’objet d’une succession de pseudo-colonisations hollandaises, anglaises, et même françaises (mais je vous « rassure », l’exploitation inhumaine des populations locales …on a été la faire ailleurs ! Ici, on est juste venu faire un petit tour, laisser quelques huguenots … à qui l’on doit le 3ième rang mondiale de l’Afrique du Sud en matière de production viticole !). Et puis le « progrés » aidant, on a été vers une quasi-interdiction (système de pass) des centres villes par les populations non blanches, autre que pour travailler, allant jusqu’à raser certains quartiers et à déporter les populations « hors normes » dans des zones qui deviendront .. eh oui, les fameux townships ! Puis s’en est suivies à partir de 1948, les lois à proprement dites du système apartheid : interdictions des mariages et des relations sexuelles interraciaux, classification des races, exclusion du système éducatif existant, … etc etc etc … enfin tout ce que l’homme sait faire de bien quand il est lancé sur les bon rails ! ;(
Néanmoins, les victimes de ce système ne restent pas impassibles malgré les répressions violentes, et à travers l’ANC (African National Congress), leur représentation officielle, ne cesse de combattre le pouvoir en place. Symbole bien connue de ce combat : Nelson Mandela, emprisonné de 1962 à 1990 … et qui finira président de la République d’Afrique du Sud en 1994 suite aux premières élections démocratiques et multi-raciales.
Bon je vais m’arrêter là pour le côté historique .. je n’ai encore pas tenu parole pour ce qui est de ne pas en mettre une tartine, désolé, .. mais ça doit être l’émotion !
Donc voilà, vous avez bien les boules comme moi .. enfin pour ceux qui ont tout lu (n’est-ce pas Vincent !) … et donc, retour au présent .. et donc aux townships !
Ces fameux townships qui peuvent paraître comme le dernier endroit où un touriste voudrait mettre les pieds , eh bien ils se visitent ! Non pas pour aller se faire égorger comme va tout de suite le penser ma chère mère .. mais pour comprendre un petit peu mieux l’histoire, remettre les éléments en perspective et et voir un petit peu ce qu’est vraiment la vie de tous les jours, et comprendre ainsi une des composantes importantes de l’Afrique du Sud .. de son passé, de son présent et de son futur !
C’est bien beau de faire des belles phrases .. mais faut pas se voiler la face non plus : ce tour étant revendu par toutes les agences de voyages et conseillé par les guides, je me doutais bien que j’allais pas finir ligoté et dépouillé au premier poteau du coin … néanmoins, il est clair qu’une faible proportion de touristes le fait malgré tout, et chacun d’une manière bien différénte.
Bon dans tout ça, j’ai pas beaucoup avancé dans ma journée.
Alors tout commença donc comme prévu en début d’aprém’, le guide est à l’heure, je me retrouve dans un mini-bus avec un peu de tout (famille, personne seule, couples) .. en tout une petite dizaine de personnes !
Le tour commence en fait par une visite du musée de District 6 qui relate en fait la destruction des quartiers du centre ville et la déportation de leurs habitants hors de la ville, ainsi que toute la mise en place du système de l’apartheid !
Clair, très imagé, le tout dans une ancienne église .. c’est assez poignant, notamment l’illustration de l’odieux système de pass spécifiant « noir sur blanc » (humour .. noire !) la race de chacun … car attention, le système ne consistait pas seulement à séparer les blancs des non-blancs .. mais chaque race .. ainsi les 3 zones devenues entre-temps townships, étaient en fait les zones réservées à chaque zone non-blanche, à savoir : noirs, indiens-malais & coloured/métis ; et puis le non moins sympathique :
Ensuite, nous voilà repartis pour cette fois-ci le grand « frisson » des townships ! 😉
Déjà entraperçu lors du trajet en provenance de l’aéroport, l’arrivée au township de Langa (250 000 hab.) impressionne par son étendue … et c’est loin d’être le plus grand (Khayelitsha compte 1 100 000 hab.).
Nous arrêtons rapidement pour descendre dans l’une des premières rues .. vous avez faim ? :
Tête de mouton grillée au menu, ça dit à quelqu’un ?
Le guide nous explique qu’il s’agit comme de milliers d’autres d’un des petits boulots typiques des townships (je vous explique pas en détails .. mais pour préparer une bonne tête de mouton grillé, c’est tout un processus !)
Le guide, originaire, et toujours actuellement habitant ce township, s’empresse de nous mettre en contact avec les gens tout en spécifiant bien que nous sommes plus en sécurité ici, avec ou sans lui, qu’en plein centre ville la nuit venue.
La première zone visitée est quand même moins choquante/poignante/sensible (y’a pas de mot qui convient !) que certains quartiers traversés à savoir qu’elle comporte de nombreuses structures en dur qui constitue en fait les habitations actuellement proposées comme alternative aux baraques bricolées … mais bien sûr la liste est longue.
Nous visitons plusieurs habitations dont certaines pièces, pas forcemment délabrées .. mais quand on apprend que 3 familles vivent dedans .. à savoir dans 15m2 .. la perspective est toute autre !
Ce qui est génial c’est que le guide est vraiment passionné, et tend au maximum à nous faire comprendre la situation … que si chacun essaie de s’en sortir plus ou moins, les gens ne sont pas malheureux pour autant .. preuve en est de certains qui finissent par réussir … et restent malgré tout dans le quartier !
On pousse un peu plus loin .. et là, c’est plus « roots » comme diraient certains !
On finit même dans une cabane servant plus ou moins de bar clandestin .. où je goute à la bière maison (brassée par la madame elle-même !) .. et ben si je suis malade, je saurais pourquoi .. mais en tout cas je serai pas saoul .. si ça fait ses 2-3 degrés, c’est bien un max !
Allez je vous épargne même pas ma photo digne de Paris-Match :
Tout fonctionne en fait en autarcie : ce sont des villes dans une autre ville. Les containers de cargo s’accumulent le long des rues, accueillant tous les commerces possibles et imaginables : épiceries, coiffeurs, bouchers, bars,..etc etc .. et les barbecues offrant poulets, steaks, et autres viandes grillées pullulent.
Direction ensuite vers 1 autre township .. mais désormais plus aucune différence dans la répartition des « races » … sauf qu’il n’y a pas de petits blancs comme vous pouvez vous en douter .. enfin sauf nous !
Cette fois, ça sent plus le marketing : on passe dans le soi-disant plus petit B&B du monde offrant 2 chambres a 19R (soit 2,2€) la nuit complète, dîner et petit-déj’ compris, .. le tout en plein centre d’un township. Le B&B est empli d’articles de journaux et de magazines relatant l’existance de cet endroit .. et sa propriétaire semble être quelqu’un d’influent. Bah si ça vous intéresse, j’ai l’adresse .. et son e-mail !
A noter son écran plat de 125cm minimum … et ils agrandissent à 5 chambres pour la .. Coupe du Monde !
Bref, la nuit tombante, la visite aura duré plus que prévue, le guide s’excusant mais précisant que c’était indispensable si nous ne voulions rien rater.
Chacun rentre dans ses pénates .. et je sens bien que la ‘tite famille américaine était quelque peu empressée de retrouver son petit quartier propret du Waterfront et leur piaule à 300€ !
J’irais pas jusqu’à dire que j’étais dans mon élément – moi aussi je suis un petit bourge ! – mais j’ai été très touché par cette visite .. et c’est bien sûr empli d’un immense sentiment d’impuissance que je rentre à l’AJ !
Demain on posera le cerveau et on se contentera de faire marcher les yeux et les jambes … ça fera du bien !
